France - Projet de loi pour sécuriser Internet en France : les mesures clés du gouvernement

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France - Projet de loi pour sécuriser Internet en France : les mesures clés du gouvernement

Par Alexandre Lazarègue, Avocat spécialisé en droit du numérique,, le 08 Mai 2023

Avis expert - projet de loi - internet - réseaux sociaux 

Projet de loi pour sécuriser Internet en France : les mesures clés du gouvernement

Mercredi 3 mai, le ministre de la Transition Numérique, Jean-Noël Barrot, présentera un projet de loi en conseil des ministres visant à sécuriser et réguler internet. Cette initiative s'inscrit dans le cadre du "cap des 100 jours" lancé par le président de la République. Bien que de nombreuses réglementations aient déjà été mises en place pour réguler internet, les internautes restent vulnérables face à la criminalité en ligne. Selon le parquet de Paris, les préjudices causés s'élèvent à 500 millions d'euros pour les Français.

Le projet de loi contient plusieurs mesures, dont l'interdiction d'accès aux réseaux sociaux pour les individus condamnés pour cyber-harcèlement.

Déjà depuis la loi du 4 août 2014, l'article 222-33-2-2 du code pénal réprime le harcèlement numérique définit comme « le fait, par des propos ou comportements répétés, de dégrader les conditions de vie d’une personne se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ». La sanction prévue est de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende lorsqu'il a été commis à travers un réseau social. 

La loi confortant les principes de la République y a ajouté un amendement dit « Samuel Paty » sanctionnant les harcèlements en meute qui permet de sanctionner les propos ou comportements imposés à une même victime par plusieurs personnes alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée et même en l'absence de concertation. 

Cet article a permis de sanctionner les auteurs de harcèlement de la jeune Mila ou encore de Magalie BERDAH lorsque les auteurs ont été identifiées. 

Le législateur entend désormais interdire aux personnes condamnées d’accéder de nouveaux à un réseau social pendant une période limitée, de 6 mois à un an en cas de renouvellement.

Des interrogations naissent quant à la conformité de ce texte avec la liberté de communication et il apparait également difficile de s’assurer que cette interdiction sera effective alors que l’inscription sur un réseau social de façon anonyme reste possible. Le législateur ne semble pas vouloir interdire l’expression anonyme au nom de la liberté d’expression protégée par le conseil constitutionnel. 

Le législateur entend imposer un système de « filtre anti-arnaque » consistant dans la mise en place d’un service de sécurité visant à détecter et bloquer les sites internet frauduleux alors que le plateforme Thésée dédiée aux arnaques sur internet a enregistré plus 60 000 plaintes depuis mars 2022. 

Ce nouveau système de sécurité serait intégré aux logiciels de messagerie électronique, aux moteurs de recherche, aux réseaux sociaux, aux plateformes de commerce électronique ainsi qu'aux services bancaires en ligne. Il permettrait aux internautes d'être alertés sur le caractère suspect de certains sites et messages.

Les filtres anti-arnaque fonctionneraient grâce à l'analyse de contenu, de l'historique des utilisateurs, de comportement et même grâce à l'utilisation d'algorithmes d'apprentissage automatique pour améliorer leur précision au fil du temps. 

Assurément ces filtres soient susceptibles de protéger les utilisateurs contre une grande variété d'escroqueries en ligne, tels que le phishing, les arnaques à la loterie, les faux sites Web et les faux comptes de réseaux sociaux, ils ne seront toutefois pas infaillibles et la vigilance devra rester une exigence pour les internautes. 

Le projet de loi renforce les mesures de protection pour les mineurs en ligne en permettant à l'ARCOM d'ordonner le blocage des sites pornographiques qui ne respectent pas les obligations légales de protection des mineurs.

Cette mesure s'ajoute à l'article 23 de la loi du 30 octobre 2020 qui avait conféré au président de l'ARCOM le pouvoir de mettre en demeure les sites à caractère pornographique de se conformer à cette exigence, et de saisir le président du tribunal en cas d'inexécution pour obtenir le blocage d'accès au site et son déréférencement par les moteurs de recherche.

Le président de l'ARCOM n'avait pas tardé à user de ses nouveaux pouvoirs en mettant en demeure les principaux éditeurs de sites à caractère pornographique (Pornhub, Tukif, xHamster, Xnxx et Xvideos, YouPorn et RedTube), puis en saisissant le président du Tribunal judiciaire de Paris en mars 2022 pour qu'il ordonne aux fournisseurs d'accès à internet (FAI) d'en bloquer l'accès, la simple déclaration de majorité sur laquelle il faut cliquer sur ces sites étant jugée insuffisante.

Cette démarche s’est heurtée à la longueur des procédures judiciaires. Les sites concernés avaient tenté un recours devant le conseil constitutionnel au nom de la liberté de communication et le juge judiciaire avait invité les parties à trouver un arrangement avant de se prononcer. Autant d’étapes qui à ce jour n’ont pas permis la cessation de diffusions de ces sites. 

Il n’est pas certain que le nouveau dispositif prévu dans le projet garantisse la suppression des sites pornographiques accessibles aux mineurs.  Ces sites disposeront d’un recours a postériori devant le juge pour contester une telle décision administrative prise unilatéralement. 

En outre, si les sites concernés pour se soumettre à la loi sont invités à faire appel à des tiers de confiance chargé de s’assurer de l’âge de l’utilisateur en garantissant la protection d’une telle donnée, ces systèmes ne pourront jamais garantir cette protection de manière définitive et conduirait à interdire aux adultes l’accès à ces sites. 

Enfin, il existe de nombreuses méthodes pour accéder à des sites bloqués par les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) tels que l’utilisation d’un VPN, d’un PROXY, du réseau TOR. 

Le projet de loi pourrait donc s'avérer inefficace pour atteindre son objectif initial de protéger les mineurs en ligne.

Illustration

Alexandre Lazarègue, Avocat spécialisé en droit du numérique, (08-05-23)

 

 

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