France - Les français et la pornographie à l'heure de la restriction des conditions d'accès aux sites X

France - Les français et la pornographie à l'heure de la restriction des conditions d'accès aux sites X

France - Les français et la pornographie à l'heure de la restriction des conditions d'accès aux sites X

Par Lucile Minnebois, le 12 Juillet 2023

Quelques semaines après le nouveau cri d’alarme lancé par l’ARCOM (exCSA) sur l’exposition de plus en plus précoce des mineurs aux images pornographiques, le tribunal judiciaire de Paris a décalé ce vendredi 7 juillet, son jugement sur la demande de blocage des 5 sites (Pornhub, Tukif, XHamster, Xvideos et Xnxx) les plus consultés dans notre pays.

Il s’agit pour l’ARCOM, à l’origine de cette procédure, d’obliger les sites en question à interdire l’accès aux moins de 18 ans qui peuvent actuellement les consulter en certifiant simplement et sans vérification qu’ils sont majeurs. En amont de la décision du tribunal, l’agence spécialisée en data FLASHS et le média dédié à l’actualité numérique 01Net ont souhaité mesurer le degré d’approbation des Français.es vis-à-vis d’une mesure de restriction de cet ordre et, plus largement, percevoir quel est aujourd’hui leur rapport à la pornographie.

Confiée à l’IFOP, cette étude montre que la volonté d’interdire concrètement les sites X aux plus jeunes est largement partagée dans la population – quand bien même nos concitoyens doutent de son efficacité -, mais aussi qu’une telle mesure ne sera pas sans conséquences sur la fréquentation par les adultes des plateformes en question. Au-delà, l’instauration de conditions d’accès plus draconiennes aux contenus pornographiques apparait comme particulièrement salutaire au regard des conséquences – vision biaisée de la sexualité, reproduction de scènes et de pratiques sexistes, naissance de complexes physiques… - qu’ont leur visionnage sur les jeunes Français.es

L’adhésion aux restrictions d’accès aux site X

Un soutien massif

  • 74% des Français.es se prononcent en faveur du durcissement des conditions d’accès aux sites pornographiques afin de mieux protéger les mineurs.
  • Parmi les personnes fréquentant activement les sites X, 63% approuvent ce type de mesure.
  • Les femmes (79%) et les plus de 50 ans (80%) s’y montrent les plus favorables tandis que les 18-24 (55%) sont plus nuancés.

Une efficacité mise en doute

  • Tout en adhérant à l’idée d’une double authentification, les Français.es sont en revanche très dubitatifs quant à son efficacité. Plus de 8 sur 10 (81%) estiment en effet que le système sera largement contourné par les mineurs, si toutefois il s’avère techniquement possible, ce dont doutent 62% des personnes interrogées.
  • 79% des répondants craignent par ailleurs qu’une telle mesure soit de nature à orienter les plus jeunes vers des sites non réglementés proposant des contenus plus choquants.

Souscrire, contourner ou renoncer

  • Si 18% des personnes ayant déjà visionné un contenu pornographique se disent prêtes à souscrire à un contrôle strict de leur âge pour continuer d’accéder à des sites X, la proportion monte à 43% chez celles et ceux dont la consultation est quotidienne.
  • En revanche, 21% chercheront à contourner les mesures restrictives en se tournant vers des plateformes n’exigeant pas de vérification, 11% en utilisant un VPN ou encore 9% en usurpant l’identité d’une connaissance.
  • Pour un nombre non négligeable d’utilisateurs, le renforcement du contrôle s’avérerait rédhibitoire. Plus du quart (27%) des répondants concernés indiquent qu’ils cesseraient de consulter des sites X, les femmes étant beaucoup plus nombreuses que les hommes (41% contre 19%) dans ce cas.

Le point de vue de François Kraus, directeur du pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle » à l’IFOP

« Alors qu’il aura fallu attendre quinze ans après l’apparition des premiers sites pornographiques en France (2008) pour que les pouvoirs publics s’attèlent sérieusement à en interdire l’accès aux mineurs, force est de constater que ni les Français, ni les amateurs de ce type de contenu semblent vent debout contre une potentielle atteinte à la « liberté du Net ». Au contraire, le dispositif de filtre – dit du double anonymat – envisagé par les autorités rencontre un assentiment massif de la population adulte, y compris chez ceux qui consultent régulièrement ces plateformes. Et, dans l’hypothèse où elle serait réellement appliquée, une telle restriction d’accès au porn aurait un impact certain sur les comportements des amateurs de pornographie en ligne. On pourrait même parler de « petite révolution » au regard du nombre d’amateurs qui envisagent sérieusement soit de cesser de consulter les sites en question (un sur quatre), soit de contourner le système (un sur trois), soit de se plier aux nouvelles règles afin de continuer à visionner leurs contenus légalement (un sur six). Quant aux autres, sceptiques ou attentistes, ils trouveront peut-être une alternative dans d’autres médias à caractère pornographique de plus en plus en vogue comme les sites de webcam ou les podcasts érotiques. »

La consommation de contenus pornographiques

Une exposition de plus en plus précoce

  • Plus du tiers (35%) des jeunes hommes âgés de 18 à 24 ans ont surfé sur un site pornographique avant leurs 13 ans contre 12% il y a 10 ans.
  • L’évolution depuis 2013 est également flagrante chez les jeunes femmes de la même tranche d’âge : elles sont aujourd’hui 19% à avoir été exposées à du contenu X avant leurs 13 ans contre 9% il y a 10 ans.

Livres, sites, podcasts, webcams…

  • La consultation de contenus pornographiques est une pratique qui reste largement l’apanage des hommes. Hormis la lecture de livres érotiques - 42% des hommes et 37% des femmes disent qu’ils en ont déjà lus -, les écarts entre les genres sont conséquents.
  • Ainsi, 74% des hommes ont déjà surfé sur un site X contre 37% des femmes. Elles sont aussi quatre fois moins nombreuses (11% contre 41%) à avoir déjà feuilleté un magazine pornographique.
  • Les modes plus récents de diffusion de contenus pornographiques sont par ailleurs plus fréquentés par la gent masculine : 29% d’entre eux contre 7% d’entre elles ont déjà assisté à un sex show via un site de webcam et 22% contre 5% via des plateformes par abonnement du type OnlyFans.
  • Les femmes sont un peu plus nombreuses à adhérer aux podcasts érotiques (11% contre 17% chez les hommes).

Une assiduité très masculine

  • 28% des Français.es interrogés par l’IFOP déclarent avoir surfé sur un site pornographique au cours des trois mois précédent l’étude. C’est le cas de près de la moitié des hommes (46%) ,de 14% des femmes et de 41% des 18-24 ans.
  •  45% des hommes et 22% des femmes indiquent avoir consulté un site X au moins une fois par mois durant cette période. Près d’un homme sur trois (31%) s’y est rendu au moins une fois par semaine contre moins d’une femme sur dix (9%).  

Le point de vue de François Kraus, directeur du pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle » à l’IFOP

« La restriction de l’accès au porn en ligne se fait en réalité dans un contexte d’essoufflement de la fréquentation des sites pornographiques classiques, victimes de la concurrence de certaines alternatives telles que les sites de webcam ou de sex show payants à la OnlyFans qui s’avèrent plus stimulantes pour les jeunes garçons que par le visionnage passif de films X sur une plateforme de streaming. En effet, pour une génération biberonnée au porn dès son plus jeune âge, ces sites de webcams permettent non seulement d’observer du « sexe en direct » mais aussi de se prêter à des échanges fantasmatiques sous la forme de séances d’exhibition des organes génitaux. Certes, il est encore trop tôt pour dire que « OnlyFans a tué Pornhub » mais l’engouement pour ce type de sites, situés à l’interface entre le dating et le porn, est évident, notamment chez des jeunes qui ne bénéficient pas toujours d’un espace propre pour s’adonner à des rapports sexuels. Quant aux jeunes femmes, au rapport plus distant aux sites X ou aux sites de webcam, elles trouvent dans des livres ou les podcasts érotiques des modes de stimulation plus adaptés à leur imaginaire sexuel, probablement parce qu’elles n’y sont pas soumises aux images souvent dégradantes de la femme que renvoie le porno meanstream. »

L’impact sur la sexualité

La pornographie comme apprentissage

  • Plus de la moitié des 18-24 ans (54% chez les hommes, 51% chez les femmes) indiquent que la pornographie a joué un rôle dans leur apprentissage de la sexualité. C’est 18 points de plus que la moyenne des adultes (35%).
  • 42% des Français.es ayant déjà visionné une vidéo pornographique ont reproduit des scènes ou des positions vues à l’écran (c’est le cas de 54% des moins de 25 ans) et 41% s’en sont inspirés pour leurs pratiques sexuelles (48% chez les moins de 25 ans).

Le X, source de complexes physiques

  • Confrontés à des anatomies souvent hors normes, les amateurs de pornographie peuvent nourrir des complexes vis-à-vis de leur propre physique. Ainsi, 30% des hommes (51% chez les moins de 25 ans) disent avoir complexé sur la taille de leur pénis et 22% des femmes (39% chez les moins de 25 ans) sur la taille de leurs seins.
  • La comparaison de la forme de leurs organes génitaux avec ceux présentés dans les productions X est également source de troubles. Les jeunes femmes sont ainsi 39% à avoir ressenti un complexe relatif à la forme de leur vulve en visionnant un contenu pornographique.
  •  Au-delà des seuls organes génitaux, la confrontation avec les corps des actrices et acteurs de l’industrie pornographique est de nature à engendrer de tels complexes : le tiers des femmes (33%) et près du quart des hommes (22%) en font état. Là encore, les jeunes sont particulièrement exposés, plus de la moitié (54%) des jeunes femmes de moins de 25 ans se disant concernées, qu’il s’agisse de leur pilosité ou de la fermeté de leur corps.
  • Il n’est pas de vidéos pornographiques sans orgasmes bruyants et démonstratifs.  Mises en scène qui s’avèrent de nature à faire douter celles et ceux qui les visionnent sur leurs propres capacités à faire jouir leurs partenaires. Une remise en cause qui touche plus les hommes (29%) que les femmes (17%).

Le point de vue de François Kraus, directeur du pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle » à l’IFOP

« Malgré la révolution féministe actuelle et l’essor des discours de type « bodypositif », le visionnage de films X laisse bien, chez les jeunes, des traces dans les corps comme dans les esprits… Car son impact sur la sexualité des Français ne se limite pas qu’à un visionnage passif d’images pornographiques. Notre enquête confirme le rôle des films X dans la construction de leur imaginaire sexuel, notamment chez des jeunes pour qui ils constituent une source d’apprentissage des pratiques et techniques sexuelles. Et, si nombre de jeunes intègrent même les codes et scénographies de la pornographie dans leur répertoire sexuel, ils sont aussi nombreux à être perméables aux représentations du corps véhiculées par ces vidéos. En effet, l’impact de la culture porn transparaît aussi dans sa capacité à imposer ses représentations du corps et des organes sexuels telles que les formes de vulves « parfaites » et épilées totalement, indissociables d’un univers pornographique qui les ont popularisées ces dernières années. En cela, la restriction de l’accès au porn aux mineurs ne doit pas être perçue comme l’expression d’une « panique morale » des parents, mais bien comme un moyen de réduire l’influence d’une culture porn génératrice d'anxiété, de complexes corporels et de divers scripts sexuels sexistes.

Étude IFOP / FLASHS pour 01net réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 13 au 17 avril 2023 auprès d’un échantillon de 2 006 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

 

 

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