Béziers - Cérémonie hommage aux Harkis

"Bonjour à tous,
Bonjour mes amis harkis,

Quand j'entends le mot Harki, j'ai le sentiment d'un oubli. D'un terrible oubli.
Relégués dans les bas-fonds de l'Histoire, vous avez été rayés du roman national. Ce roman national dont vous étiez, dont vous êtes de brillants, d’émouvants personnages. Fidèles, fiers, courageux.
Au moment crucial, à la croisée des chemins, vous avez préféré le drapeau tricolore au drapeau du crime. Un choix que vous avez payé au prix fort et que vous continuez à payer aujourd’hui. Le sens de l'histoire, pour vous, ce fut un véritable rouleau compresseur.
Au lieu de vous accueillir à bras ouverts, la mère patrie ne vous a entrebâillé que les portes des camps d'internement. C'était le remerciement de la République envers ceux qui avaient sacrifié leur vie pour elle.

J'ai honte de cette République-là, de cette France-là. Après ce que vous avez subi, qu'on ne vienne plus me parler des « valeurs » de la République.
Malheureusement, depuis cet été 1962, cet été de souffrance et de deuil, notre pays n'a rien appris. Il a même persévéré dans ses erreurs. Il a récompensé ceux qui le haïssent et puni ceux qui le chérissent.
Pour notre immense malheur, le rêve des Harkis, le rêve d'une France réconciliée avec l’Algérie, le rêve d'un destin en partage, ce rêve a été enterré.
Aujourd'hui, il ne nous reste plus que le goût amer de la trahison et la colère. Des Marseillaises sifflées dans les stades, des quartiers hors de contrôle. L’intégration a tourné à la désintégration. L’assimilation a viré au communautarisme.
Alors que faire ? Continuer à couvrir d'un voile pudique ce que vous endurez depuis des années ? Il est vrai que notre époque est plus encline à pleurer le sort des ours polaires qu'à se rappeler vos corps écorchés vifs, empalés, brûlés par les assassins du FLN. « La morale des hommes est celle de leur temps », disait un grand sociologue. De quoi être bien pessimiste !
Je voudrais terminer en vous disant ce que j’ai sur le cœur. Vous êtes, mes amis harkis, sûrement plus français que beaucoup d'entre nous. Français de cœur et de sang. Français par attachement. Français par amour. Français par la parole donnée et jamais reprise.
J’en suis sûr, j’en suis persuadé, un jour justice vous sera rendue. Trop tard pour le martyre enduré. Mais jamais trop tard pour la mémoire de vos morts, de vos pères.
Je serai à vos côtés. Demain, comme hier et comme aujourd’hui. Parce que nous partageons les mêmes racines. Parce que je vous suis infiniment reconnaissant. Parce que je veux vous offrir un autre visage de mon pays, de ce pays que j’aime tant, que nous aimons tant.
Ce jour-là, ce jour de justice, vous retrouverez la place que vous méritez dans notre roman national. Et nous pourrons enfin vous regarder dans les yeux sans avoir à rougir.
Vive les Harkis !
Vive la France !"

Robert Ménard