France - FRANCE - Clôture du débat public PPE en présence de Nicolas Hulot Discours et résultats

France - FRANCE - Clôture du débat public PPE en présence de Nicolas Hulot  Discours et résultats

France - FRANCE - Clôture du débat public PPE en présence de Nicolas Hulot Discours et résultats

Par Rodolphe SAVEREUX pour la CNDP , le 04 Juillet 2018

Vous trouverez ci-dessous le discours de Jacques Archimbaud, président de la CPDP PPE, prononcé à l'occasion de la clôture du débat public sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui s'est tenue vendredi 29 juin dernier au Cese à Paris en présence de Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire et de Patrick Bernasconi, président du Cese. 

Vous trouverez également ci dessous la présentation powerpoint des réponses obtenues auprès des 10 000 Français qui ont participé au questionnaire comprenant les réponses des membres du G400 Énergie, qui s'est réuni à L'Assemblée nationale le 9 juin dernier.

Discours de Jacques Archimbaud Président de la commission particulière du débat public

29 juin 2018 - Clôture du débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie

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Monsieur le président du CESE,

Monsieur le Ministre d’État,

Mesdames Messieurs les élus, Mesdames Messieurs,

Il n’est pas possible à ce stade de tirer de façon exhaustive les enseignements d’un débat qui a été extrêmement riche et dont les différents aspects doivent être étudiés minutieu- sement.

En attendant notre rapport prévu pour début septembre, je me contenterai de quelques notations dont je souhaite qu’elles soient utiles à la DGEC pour ses écritures d’été et pour les débats publics qui s’annoncent sur d’autres plans et programmes.

Notre débat a été suffisamment mobilisateur pour qu’on en tire des enseignements: le nombre de participants, leur variété, la diversité des thèmes qui ont couvert tous les champs abordés par le dossier du maître d’ouvrage, la mobilisation des différents acteurs par des publications dans le cadre du débat ou à l’extérieur, tout cela appelle une prise en compte par les pouvoirs publics des observations ainsi recueillies.

Je voudrais signaler la mobilisation d’un très grand nombre d’opérateurs de base de la tran- sition énergétique.

Ce sont des citoyens eux aussi : bien au-delà des interventions en service commandé pour défendre leur boutique, ils sont intervenus souvent pour faire part du ressenti des usagers, des clients et des territoires.

Le débat peut ainsi être considéré comme un véritable moment de retour d’expérience et d’évaluation et à ce titre il mérite d’être pris en compte.

J’entends et je prends acte des remarques sur le fait que nous n’aurions pas mobilisé suf- fisamment les citoyens dits « ordinaires » et sur le fait que tout cela serait resté trop confi- dentiel.

Pour que cela le fût moins, il aurait fallu mobiliser des moyens humains, budgétaires et médiatiques d’une autre dimension, permettant d’aller bien davantage au contact de nos concitoyens sur les places publiques, les lieux de travail et d’habitation, comme le fait habituellement la CNDP.

Je noterai cependant, d’une part, sans parler même du G400, que de très nombreux « ci- toyens non spécialistes » ont participé aux rencontres publiques de terrain, et que nous avons ainsi pu prendre la mesure des convergences et des distances entre leurs préoccupa- tions et celles des cercles des professionnels de l’énergie.

La preuve est faite que des citoyens ordinaires ont une expérience sensible suffisante pour formuler des propos intelligibles et utiles.

D’une manière plus globale, notre débat a été perçu comme loyal : certes la commission et son président ont reçu quelques coups de griffe ici ou là mais dans l’ensemble les critiques n’ont pas excédé la passion normale qu’on met habituellement à discuter des choses de la République.

Nous n’avons censuré ni propos ni documents, les acteurs qui ont voulu contribuer ont pu le faire librement.

Nous n’avons pas considéré la loi de transition comme un tabou dont on n’aurait pas pu discuter les contenus alors qu’on en examinait les résultats et qu’on en supputait l’avenir.

Nous étions d’autant plus fondés à cette sorte de tolérance que le gouvernement avait lui- même pris le risque en novembre dernier d’ouvrir un peu la boîte de Pandore de sa modifi- cation.

L’interpellation la plus sérieuse fut donc en début de procédure de savoir s’il était pos- sible, utile et efficace de discuter de la PPE sans un texte formel de PPE.

Possible ? La preuve en est faite... Dépasser le simple face-à-face vertical avec l’État pour construire une dynamique horizontale de confrontation entre des composantes diverses de la société, rendre ensuite compte à l’État du produit de cette confrontation, voilà la ten- tative à laquelle nous nous sommes attelés.

Utile ? Nous le verrons bien aux résultats : ce n’est pas cependant faire preuve de mauvais esprit que de s’inquiéter d’un calendrier qui verra la publication de la première version de la PPE alors que les conclusions du débat n’auront pas été intégralement rendues.

Efficace? Une seule remarque: entre un projet tout fait et le DMO soumis au débat, il y avait probablement de la marge pour un document problématisant mieux les enjeux, scé- narisant des bouquets d’hypothèses et soumettant des prévisions aux aléas nombreux en matière économique, géopolitique, de coûts et de prix, aux incertitudes des évolutions so- ciologiques ou de la maturité technologique de telle ou telle filière.

Il est apparu positif que le ministère réponde ces derniers mois à des demandes concernant la méthanisation ou le photovoltaïque. Il est bien que le gouvernement ait fait connaître en cours de débat son plan habitat et son plan hydrogène, sa feuille de route sur l’écono- mie circulaire, qu’il ait finalement tranché sur un prix de rachat pour l’éolien en mer.

Il eût été mieux et plus simple que ces éléments fussent mis au menu du débat public en temps et en heure, c’est-à-dire d’emblée.

Alors même qu’on suggérait de tous côtés à la commission de ne pas se focaliser sur l’élec- tricité, les seuls scénarios aboutis, publiés et mis en discussion, furent ceux qui justement portaient sur l’équilibre offre-demande de cette énergie.

Alors même que l’on ne cessait de nous rappeler que la discussion ne devait pas se limiter au nucléaire, le seul arbitrage proposé d’entrée par l’État fut de réduire à deux les scéna- rios de RTE, ce qui aboutissait de fait à focaliser le débat sur la question particulièrement sensible du délai où l’on pourrait atteindre l’objectif de 50 % du nucléaire dans le mix électrique.

Notre recommandation pour d’autres débats est que l’administration du ministère, dont les agents, à titre individuel, ont été fort mobilisés sur le débat, entre davantage dans la culture, les contraintes et les opportunités du débat public.

Il s’agit au fond d’apprendre, sans redouter les foudres de la tutelle, à mettre d’emblée sur la table une pluralité de cheminements possibles pour l’atteinte des mêmes objectifs, à suggérer des alternatives comme le prévoient au demeurant les textes européens et d’ail- leurs même les textes français en matière de concertation du public.

On évitera ainsi de caricaturer les arbitrages à rendre sous le seul angle d’arbitrages politi- ciens (untel a gagné, untel a perdu) au profit d’une clarification des enjeux et d’une claire motivation des critères complexes de la décision publique.

J’en viens du même coup au fond de nos premières observations.

Le sentiment qui ressort du débat est que la lisibilité des politiques publiques n’est pas

très évidente.

Il y a un problème de données; difficulté à s’y retrouver dans le maquis des dates et des échéances : 2025 ? 2028 ? 2030 ? 2032 ? Comment se fait-il qu’on ne soit pas capable d’établir une fourchette qui fasse autorité en matière de coûts de production, de réseaux, d’emplois ? Comment se fait-il qu’on n’ait pas eu de clairs scénarios de l’État en matière de consomma- tion électrique alors que RTE et EDF et d’une certaine façon Enedis – qui a produit une inté- ressante étude régionalisée – ne font pas tout à fait le même récit à ce sujet pour l’avenir... ?

Subsistent ainsi à cette heure des interrogations non résolues sur les prévisions d’échanges européens et sur le marché de l’électricité.

Sans vouloir imposer la statistique unique, n’est-il pas possible de disposer d’une instance ou d’un moment d’observation perçus comme indépendants et dont la donnée serait ad- mise par une majorité d’acteurs ?

La conviction que la PPE est un bon outil n’efface pas un doute et une certaine défiance sur le nombre et la qualité des outils de suivi de la politique énergétique qui paraissent éclatés, voire concurrents.

Il y a un problème de cohérence: l’inventaire des normes et des seuils plus ou moins contradictoires en matière de méthanisation, de photovoltaïque ou d’éolien, la liste des étrangetés en matière de fiscalité ont constitué les moments de bravoure de quasiment toutes les réunions publiques.

Globalement, dans cette situation, le retard de la France par rapport à ses propres objec-

tifs paraît clair. Il fallait que ce soit établi.

Pas d’agressivité dans le constat : les participants savent que les efforts ont été et sont im- portants et que la donne est en train de changer.

La crise climatique est perçue comme l’enjeu majeur quoique l’impact carbone ne puisse exonérer aucune énergie d’un examen de tous ses autres impacts sur l’environnement et sur la société en général.

Sont admises pour l’essentiel les composantes prioritaires des politiques publiques telles que décrites dans le document du maître d’ouvrage : l’efficacité énergétique, notamment dans le bâtiment et pour la mobilité, l’économie circulaire, la promotion des renouvelables, le rééquilibrage du mix électrique, la sécurité d’approvisionnement et l’indépendance éner- gétique du pays, des prix de l’énergie qui ne pénalisent ni les ménages ni les entreprises.

Mais le jugement d’ensemble est clair : il faut accélérer et tous les acteurs doivent accélé- rer ensemble.

Même les territoires réputés les plus actifs sont perçus comme n’en faisant pas assez, en tout cas pas assez pour aller au-delà des effets de prototypes ou de petites séries.

Les causes de ce retard évoquées ont été multiples.

L’impression que les meilleures pratiques ne sont pas diffusées suffisamment et par consé- quent qu’elles sont généralisées trop lentement est revenue souvent.

Que les formations ne suivent pas, par exemple en matière de rénovation thermique, que les acteurs sont trop dispersés pour passer le cap du très grand nombre.

Également une interpellation forte des banques et des financeurs qui ont du mal à suivre et ne disposent pas tous de l’expertise nécessaire pour cela, un accompagnement et une ingé- nierie publique insuffisante et mal identifiée alors que les marchés de conseil prolifèrent et que les prix explosent.

Le secteur de la mobilité est clairement apparu comme celui où la pression des groupes d’intérêt contrariait une avancée significative : c’est d’ailleurs celui où les résultats des concertations ayant précédé le débat public sur la PPE sont apparus à la fois comme les plus prometteurs mais les moins suivis d’annonces concrètes.

Mais le débat a surtout envisagé ce qui pouvait poser problème du point de vue des citoyens.

À l’occasion d’un atelier d’information, on a examiné précisément la différence habituel- lement constatée entre la volonté d’engagement des personnes comme citoyens et leur capacité à s’engager comme consommateurs et comme usagers.

En gros les difficultés ou les obstacles ressentis pour le « passage à l’acte ».

Ont été évoqués les traditionnels problèmes de nimby, de recours systématique, d’égoïsme local.

Les réponses en termes d’assouplissement des possibilités de recours sont apparues comme possibles mais nettement insuffisantes, en tout état de cause à manier avec beaucoup de précautions.

Au contraire, la mise à l’ordre du jour du débat des conditions d’acceptabilité de la transi- tion dans son ensemble est apparue particulièrement féconde.

Un fort sentiment d’injustice ressort des échanges : la transition énergétique est belle et bonne mais elle concerne surtout ceux qui peuvent s’y impliquer ; moins les locataires que les propriétaires, moins les classes populaires que les classes moyennes, moins les anciens que ceux qui peuvent investir sur le plus long terme.

L’inquiétude est majeure quant à une fiscalité écologique qui en croissant de façon forte risquerait de pénaliser les plus dépendants et les plus captifs aux énergies fossiles.

L’aspiration aussi à être convaincu qu’au bout du bout, il y a une possibilité de gagner du pouvoir d’achat comme le montre l’exemple probant des familles à énergie positive.

La demande d’une prise en compte de la dimension sociale de la transition va ainsi bien  au-delà de l’action, d’ailleurs ressentie comme positive, contre la précarité énergétique.

Elle concerne aussi la situation des petites classes intermédiaires qui sont d’une certaine façon les cœurs de cible de la transformation des comportements de consommation.

Sentiment d’autant plus fort que la concurrence n’est pas vécue du tout comme ayant eu des effets positifs sur les prix et qu’elle n’est jugée utile que pour ceux qui, ayant l’informa- tion, peuvent s’orienter dans les maquis de l’offre.

Mais très prégnante est surtout l’idée que chacun doit pouvoir prendre sa place et pas seulement par appel à une sobriété et à une responsabilité, discutée quand elle s’adresse aux catégories populaires moins consommatrices d’énergie que d’autres.

La demande est aussi qu’on soutienne davantage la consommation d’objets courants plus économes énergétiquement et cela par des incitations plus fortes.

Qu’on puisse se réapproprier l’énergie dont les années fastes nous ont un peu dépossédés comme on se réapproprie par ailleurs le sujet eau et le sujet déchets.

La possibilité est revendiquée pour les citoyens d’agir en épargne, en auto-réhabilitation de logements, en implication dans des projets collectifs d’ENR, en action sur l’usage du bâti communal ou public, en solidarité avec le voisinage.

On souhaite l’open data et la mise à disposition du public pas seulement de ses données per- sonnelles mais de celles de son territoire, en vue d’une vigilance collective sur les consom- mations, les pointes, les gaspillages.

Bref, l’innovation et l’ingénierie sociales comme dimension importante de la transition seraient à prendre en compte dans la PPE au même titre que la recherche ou l’emploi.

Justement, à ce sujet, le débat a fait apparaître un fort scepticisme par rapport à l’affirma- tion selon laquelle la transition en créerait plus qu’elle ne serait amenée à en supprimer.

Il faut certes y voir une relation plus générale de nos concitoyens aux promesses concer- nant l’emploi dans notre pays.

Mais les incertitudes propres au secteur pèsent aussi : « On sait ce qu’on a mais on ne sait pas ce qu’on va trouver », « le secteur est fragile », « les recompositions y sont nombreuses », « les emplois des renouvelables sont partis en Chine », « nos champions énergétiques ont été absorbés »...

Le précèdent malheureux du solaire revient dans toutes les réunions.

Les progrès technologiques accomplis se retournent d’une certaine façon contre l’idée d’un secteur de la transition riche en emplois.

L’annonce d’un certain tassement des emplois en raison de la mise en service du compteur  Linky ne contribue certainement pas à améliorer la confiance à ce propos.

Dans ce domaine aussi, l’objectivation de la donnée, le suivi minutieux des résultats, la prospective en termes de métiers, de qualifications et d’aptitudes ont été largement rappelés au cours de ce débat.

Ainsi donc, le débat montre que la loi est interpellée sans complaisance quant aux condi- tions et modalités de son application, à son environnement réglementaire, quant à la gou- vernance qui est censée la mettre en œuvre.

Il nous fallait examiner si ces critiques, assez fortes, débouchaient sur une mise en cause profonde de la loi, de l’esprit qui l’avait vu naître et de ses objectifs.

Et si par conséquent, au-delà de ses imperfections constatées, la nouvelle PPE devait fixer un cap radicalement différent de la précédente, adoptée cependant si récemment.

Sur le site notamment et de façon très systématique, a été largement développée l’idée qu’une des raisons du retard évoqué il y a quelques instants relevait du fait que les efforts de réduction de la part du nucléaire, énergie décarbonée, étaient contradictoires avec la promotion d’autres énergies renouvelables électriques également décarbonées.

Et que les efforts financiers consacrés à ces dernières auraient été mieux employés à l’ef- ficacité énergétique et aussi à la production de chaleur renouvelable, à la recherche sur le stockage ou sur le nucléaire propre. Un rapport récent de la Cour des comptes est d’ailleurs d’une certaine façon venu en renfort de cette thèse.

Je vais le dire assez simplement mais de façon suffisamment nette pour être audible: cette position semble rencontrer un succès plus grand chez les opérateurs traditionnels de l’énergie et bien entendu chez les partisans du nucléaire (qui sont par ailleurs assez nombreux à s’être exprimés) qu’auprès de la partie plus « grand public » des participants à notre débat.

La position la plus couramment rencontrée au cours du débat est au fond qu’il faut amé- liorer très fortement les conditions d’application de la loi dans la prochaine PPE mais sans toucher à l’esprit qui avait présidé à son élaboration en 2015.

Qu’il ne faut rien faire ni décider qui pourrait le mettre en cause dans ses principes et qu’on doit absolument éviter de rallumer la guerre des énergies.

L’idée aussi qu’on ne doive pas se placer en marge d’une dynamique qui apparaît comme mondiale, malgré les particularités de notre histoire, est à l’évidence un élément d’adhé- sion à cette recherche d’équilibre.

Le sentiment qu’une politique énergétique doit s’inscrire sur le long terme, et pour cela qu’elle ne doit pas être, au-delà des ajustements nécessaires, remise en cause au gré des alternances, nous est apparu très partagé.

Ce que j’ai appelé dans un édito du site une forme de « sagesse énergétique » va d’ailleurs assez loin.

Elle se manifeste à travers deux dimensions qui sont apparues très flagrantes dans toutes les réunions publiques :

1re dimension : le niveau très élevé des exigences de nos concitoyens vis-à-vis de toutes les formes d’énergie. D’une certaine façon, la contestation des énergies antérieures quant à leurs coûts, leurs impacts environnementaux, leurs risques, leur place dans un monde incertain, se projettent sur les énergies entrantes.

Au cours du débat, leurs partisans se sont plaints parfois de cette forte attente sur les ques- tions de biodiversité, d’eau, d’énergie, d’espèces de paysages, d’emplois de recyclage et l’ont interprétée, à tort à notre sens, comme une forme de conservatisme ou de refus de l’intérêt général.

2e dimension : le rejet clair du « tout ceci » ou du « tout cela ». Un des enjeux majeurs de la PPE, outre donc les économies d’énergie, est de tracer de façon claire les trajectoires de substitution des énergies fossiles par des énergies moins émettrices de gaz à effets de serre en matière de mobilité et de chaleur.

Autant il est clair que l’électricité et la biomasse auront un rôle majeur dans cette substitution, ce que prévoira à l’évidence la PPE, autant l’option selon laquelle ces deux réponses pourraient à elles seules valoir urbi et orbi est par avance contestée.

Ni tout électrique ni tout biomasse, le message est clair : Les participants demandent qu’on produise un mix équilibré et adapté aux usages, aux territoires et aux impacts sur l’environnement.

La pompe à chaleur ? On est preneurs mais pas partout ni n’importe comment. Le souvenir d’énergies montant trop rapidement en graine et faisant exploser les prix d’installation sans garantie de service reste cuisant, on se défie des effets de mode...

Le véhicule électrique? C’est bien qu’on prenne le virage, à condition que les énergies utilisées soient propres, qu’on accompagne le processus avec des équipements nécessaires à des prix maîtrisés, qu’on ne néglige pas des carburants pouvant s’adapter à d’autres catégories d’utilisateurs, y compris qu’on n’abandonne pas la recherche et l’innovation vers des énergies conventionnelles moins polluantes.

Un message clair aussi : donnez au gaz une place plus importante que ce qui est prévu dans  la trajectoire actuelle, la campagne pour 30 % de biogaz en 2030 a rencontré un fort écho.

Dans l’électrique, ne fermez la porte à aucune source, l’hydroélectricité et la géothermie recèlent des potentiels qui se révèlent importants à l’échelle des territoires.

Quant aux énergies renouvelables, elles conservent une popularité élevée, comparable à celle qui apparaît dans toutes les études d’opinion.

Compte tenu de l’évolution à la baisse de leurs coûts, les participants ne font de hiérarchie entre elles qu’au regard de leur bonne adaptation à la ressource locale.

S’ils comprennent qu’on puisse maintenir des formes de subventionnement nécessaire à leur solvabilité, ils souhaitent que le poids des engagements passés ne pèse pas excessive- ment sur les efforts à venir.

Ils s’interrogent sur une forme de rente dont les retombées profiteraient plus à des action- naires éloignés qu’aux territoires qui les accueillent.

Ils souhaitent par ailleurs, sans qu’on déshabille les énergies électriques montantes qui ont encore besoin d’un petit coup de pouce, qu’on accroisse l’effort en matière de chaleur re- nouvelable et de réseaux de chaleur.

Alors j’en viens au nucléaire, qui n’a pas occupé dans le débat la place excessive qu’on nous prédisait.

On a certes repéré l’opposition classique entre partisans et adversaires autour des argu- ments déjà recensés dans le baromètre de l’IRSN : déchets, risques considérables, coûts à la hausse, versus décarbonation, maîtrise de la sécurité, génie français et pilotage.

Mais les débatteurs ont fait de part et d’autre l’effort de s’inscrire dans le calendrier et dans le temps de la PPE à venir :

Quelle est la réalité des coûts du carénage et des nouveaux EPR ? Quel en sera l’impact sur les prix ?

Les chiffrages vont du simple au triple et les participants se plaignent là encore du grand écart de la prévision.

Quels sont les investissements nécessaires pour la gestion des déchets ? Quelle compatibi- lité d’un maintien à un très haut niveau de la place du nucléaire avec les engagements pris par l’opérateur historique de très grands investissements dans les énergies renouvelables annoncés pendant le débat ?

Quelle est la capacité financière de l’opérateur EDF à mener de front tous ces chantiers compte tenu de son niveau actuel d’endettement ?

Les interpellations sont nombreuses.

L’argument selon lequel il faudrait attendre le déploiement des ENR pour fixer le rythme de réduction de la part du nucléaire suscite certes l’adhésion des partisans de cette forme d’énergie, mais il suscite scepticisme et agacement d’une bonne partie des participants qui retournent l’argument :

« Le jour où aura été fait un effort réel et tangible de réduction de la part du nucléaire, il sera possible de discuter plus sereinement de son avenir? »

En attendant, le report de la date de fermeture de Fessenheim interroge les participants, le refus de fermer d’autres réacteurs avant une date lointaine passe plutôt mal.

La demande pressante de décider dès à présent de la construction d’un nombre indétermi- né d’EPR, l’engagement perçu parfois comme subreptice d’un programme de carénage au périmètre mal défini, tout cela apparaît aux yeux d’une frange des participants comme une position d’attente, au fond maximaliste et dilatoire.

Il n’appartient pas à la commission du débat public de se prononcer sur le fond des argu- ments des uns et des autres.

Mais il lui appartient de le dire au gouvernement: des signaux qui apparaîtraient désé- quilibrés ou asymétriques en matière de nucléaire ou le report sine die des 50 % seraient perçus comme extrêmement négatifs, au regard de la mobilisation pour la transition éner- gétique.

D’après la commission, il ressort donc clairement du débat que le texte de la PPE devrait comprendre un échéancier net et des procédures claires de fermeture de réacteurs, avec des garanties et des mesures précises d’accompagnement pour les salariés et pour les terri- toires qui vivent, nous l’avons constaté, dans l’angoisse des fermetures.

Mais le message du débat aux adversaires du nucléaire est symétrique: vous ne pouvez faire fi de la position de la quasi-totalité des syndicats de salariés du secteur énergétique, de l’adhésion qu’ont nos concitoyens au maintien d’un service public national de l’énergie et à la solidarité nationale et qu’un grand nombre assimilent encore, à tort ou à raison, au nucléaire.

Quant à l’idée que l’avenir du nucléaire est à sa propre déconstruction, elle heurte forte- ment la fierté ouvrière des salariés et sur un tout autre plan, l’idée que la recherche fran- çaise dans ce domaine, bien placée dans le monde, ne doit pas être sacrifiée.

La situation du parc appelle donc des décisions, la réponse qui consiste à ne rien faire et à ne rien toucher en attendant que le nucléaire périsse de sa belle mort n’est, à ce stade, pas plus que le maintien du mix électrique actuel, ni audible ni consensuelle.

Clarté, sortie de l’ambiguïté, ces mots ont été prononcés maintes et maintes fois dans ce débat.

Ils valent également pour le pilotage de la politique française de l’énergie, question qui est venue systématiquement dans le débat et par laquelle je conclurai cet exposé.

À système énergétique nouveau, gouvernance nouvelle.

Pour les participants, un système énergétique fondé sur une efficacité bien plus grande, un haut niveau de digitalisation, des sources multiples et, d’une certaine façon, une situation dans laquelle les acteurs seraient à la fois consommateurs et producteurs d’énergie n’est plus une utopie.

Il n’est pas surprenant donc que soit montée au cours du débat l’exigence forte d’un renfor- cement de la place du local dans un pilotage fin de la politique énergétique.

C’est au plus près des consommations que doit s’effectuer la régulation de cette politique.

Que doivent s’opérer les arbitrages de réseaux, d’investissements, que doit se construire la cohérence des politiques de valorisation de la ressource. Les exemples d’une hiérarchi- sation cohérente des usages de la forêt ou de l’espace agricole sont fréquemment revenus dans les échanges.

L’idée d’un service public local de l’énergie est ainsi nettement montée en puissance, tout comme elle était apparue fortement dans les échanges à l’occasion du débat sur l’avis du CESE dans cette même enceinte.

L’idée que les appels d’offres soient régionalisés afin de réduire les effets de concurrence entre les régions inégalement dotées quant à la ressource et de mieux repartir les énergies sur les territoires a également rencontré un certain écho.

Mais ces deux propositions ont suscité les mêmes objections quant à la crainte que seuls s’en sortent les territoires centraux, plus riches et mieux dotés en capacité d’ingénierie, au détriment des périphéries moins outillées.

Les mêmes craintes ont été exprimées quant à la perte de solidarité et de péréquation républicaine.

L’énergie pose de fait les mêmes questions que d’autres domaines qui font clivage, à savoir la relation entre un socle nationalement partagé qui fixe les règles et les contraintes et un volet plus flexible et plus adapté aux réalités locales.

Cependant, plutôt qu’un saut dans le sens d’un nouveau palier de la décentralisation et plu- tôt qu’un nouveau bouleversement sur des organisations administratives déjà fort cham- boulées, les acteurs locaux en appellent à un effort pour faire mieux fonctionner l’existant.

Par exemple à la mise en place rapide du service local de la performance énergétique de l’habitat, prévu dans la loi et relancé semble-t-il dans les projets du gouvernement.

Si tous ont noté la lenteur de la mise en place des SRADDET et des documents de planifi- cation des intercommunalités, tous se sont également entendus sur le fait que les outils 

de pilotage se mettaient désormais en place et que les partenariats prometteurs avaient besoin de s’installer dans la durée.

Ils insistent sur la nécessité de ne pas déstabiliser le couple région/intercommunalité par un usage désordonné des contrats de transition écologique ou l’empilement de dispositifs qui rendraient encore moins lisibles les dispositifs de pilotage.

Les élus ruraux ont insisté de leur côté sur la nécessité de ne pas laisser seuls leurs ter- ritoires quand ils étaient mieux-disants en matière énergétique que leurs collectivités de « rang supérieur ».

La plupart des acteurs locaux ont insisté sur la nécessité de trouver des lieux, des espaces et des moments de rencontre de dialogue et de contractualisation entre les territoires et l’État.

On ne peut pas à moyens constants ou à dépenses plafonnées demander à la collectivité d’assumer de nouvelles tâches, la revendication que devrait revenir aux territoires une part de la fiscalité carbone a été fortement exprimée dans le débat.

C’est le sens de l’appel des maires lancé comme contribution au débat et qui, à ce jour, a recueilli plusieurs centaines de signatures.

** *

Mesdames Messieurs

Voici donc rapidement tracées quelques-unes des observations que nous développerons et détaillerons de manière précise dans notre rapport, en référence à des comptes rendus de réunions, à des contributions ou à des cahiers d’acteurs.

Ce débat est une première. J’ai l’outrecuidance de croire que, malgré ses imperfections, il inaugurera une situation irréversible au-delà de laquelle aucune décision majeure ne pour- ra se prendre, sur des sujets aussi clivants, sans concertation.

Et il est fini le temps où la concertation pouvait se résumer à la convocation, dans des lieux officiels sous la houlette des préfets, des acteurs considérés comme représentatifs.

Sur des sujets comme ceux-ci, il est possible d’organiser des milliers de petites réunions conviviales, légères et utiles : nos concitoyens y sont prêts, la commission fera dans ce sens des propositions pour des modalités de concertation en continu.

Nous ne souhaitons pas ce matin relancer le débat sur le fond, mais nous serons heureux d’entendre, sans y répondre immédiatement, vos observations afin de les prendre en compte et d’améliorer la rédaction de notre rapport.

Voilà pourquoi je suggère un dernier échange rapide avec la salle, au terme duquel nous serons preneurs, Monsieur le Ministre, de vos premières impressions.

 

 

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