Hérault - Et si les youtubeurs pouvaient aider les ados à manger sain ?

Hérault - Et si les youtubeurs pouvaient aider les ados à manger sain ?

Hérault - Et si les youtubeurs pouvaient aider les ados à manger sain ?

Par , le 31 Décembre 2021

Depuis son rachat par Google en 2006, YouTube a connu une ascension fulgurante. Se dressant sur le podium des sites les plus consultés au monde, avec près d’1,8 milliard d’utilisateurs uniques par mois, la plate-forme rencontre un vif engouement auprès des jeunes générations. Une étude Ipsos (2020) révèle que 76 % des 15-25 ans la consultent quotidiennement.

Celle-ci est à l’image du concept de web 2.0 : des espaces numériques mettant au cœur de leur fonctionnement un processus de co-création. Autrement dit, ce sont les utilisateurs qui construisent collectivement ce qu’est la plate-forme. Cette liberté de création représente un atout majeur pour séduire les jeunes générations.

L’un des faits marquants qui s’imposent à tout visiteur de YouTube est la profusion de contenus disponibles. Si des catégories de vidéos « mainstream » sont mises en avant par les algorithmes, comme la beauté, la musique, les jeux vidéo ou encore le divertissement, il existe également une profusion de chaînes de « niche ». Ces dernières illustrent toute la richesse et la diversité de l’offre YouTube. Ainsi, chaque internaute est quasiment assuré de trouver des contenus en lien avec ses centres d’intérêt.

D’ailleurs, la plate-forme, gagnant en maturité, de nouvelles thématiques apparaissent, comme l’aquariophilie, le jardinage, ou encore la programmation. On peut aussi réviser son baccalauréat ou apprendre une langue étrangère. A l’image du Massachussets Institute of Technology (MIT), des institutions éducatives prestigieuses diffusent gratuitement des cours dans de nombreuses disciplines.

Recettes et astuces

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que YouTube occupe une place particulière pour apprendre à bien manger. Les vidéos sur l’alimentation représentent la cinquième thématique la plus fréquentée de la plate-forme. Ces visionnages se sont d’ailleurs amplifiés depuis l’arrivée de la crise sanitaire, témoignant de la prise de conscience des consommateurs des enjeux d’une bonne alimentation sur leur santé.

Le VLOG (contraction de « vidéo » et « blog » en particulier est un format plébiscité par les jeunes internautes pour partager des expériences ordinaires ou extraordinaires avec les internautes. On peut citer l’exemple des VLOGs « une journée dans mon assiette » où des youtubeuses filment leur repas tout au long d’une journée, de la préparation à la dégustation des plats.

« Une journée dans mon assiette », un exemple de VLOG sur la chaîne HealthyClemsy en 2020.

Des recettes, des astuces, sont proposées pour faire ses courses, préparer des plats, choisir les ingrédients les mieux adaptés et participent, à ce titre, à la culture alimentaire des internautes.

D’ailleurs, la promotion d’une alimentation saine transparait dans la majorité de ces contenus. Au regard de ces mises en scène de recettes alliées aux recommandations des influenceurs, la plate-forme se laisse voir comme un nouveau support d’éducation alimentaire pour les 18-25 ans, en quête de repères nutritionnels. Dès lors, ces vidéos viennent renforcer les connaissances acquises ou bousculer les savoirs antérieurs façonnés par le cercle familial et/ou les messages de santé publique.

Processus d’identification

Les campagnes de prévention à destination des jeunes publics soulignent l’efficacité des messages conçus par et pour les pairs. Or, sur YouTube, cette forme d’éducation horizontale est un principe clé qui légitime, sans doute, l’engouement suscité par les vidéos portant sur l’alimentation. Ce sont pour les jeunes adultes des vecteurs d’éducation alimentaire qui reposent sur trois leviers fondamentaux induits par les codes de communication numérique.

Le premier levier concerne la qualité pédagogique du message. Sur les vidéos, il est possible de présenter ses opinions, de développer une argumentation, de transmettre des connaissances et des savoir-faire, tout en faisant de l’humour. On peut les visionner plusieurs fois, reprendre un passage pour bien assimiler une recommandation, commenter un message.

Le second levier porte sur l’authenticité du message. Les youtubeurs revendiquent le fait d’exposer « du vrai ». Ils disent se montrer tels qu’ils sont dans leur quotidien et non tels que les internautes souhaiteraient qu’ils soient. Cette volonté assumée de s’ancrer dans le réel et d’incarner le message renforce le sentiment de confiance des jeunes à l’égard des conseils prodigués.

Vidéo en cuisine de Squeezie, influenceur plébiscité par les adolescents.

Enfin, la proximité sociale avec la cible, engendrée par la prise de paroles d’un jeune comme eux et l’immersion dans son intimité tend à renforcer la légitimité des messages diffusés. La vidéo permet au YouTuber de dérouler sa trame narrative, de se raconter en soulignant les traits de sa personnalité, ses valeurs mais aussi ses failles. Tout au long de la vidéo, le spectateur est transporté dans la vie de « quelqu’un qui lui ressemble », favorisant un sentiment d’identification.

Enjeux de santé publique

En revanche, cette communication entre pairs pour promouvoir une alimentation saine n’est pas exempte de risques car les informations véhiculées peuvent être erronées. En effet, la confiance suscitée par les recommandations de semblables trouve ses limites dans le fait que certains youtubeurs tirent leurs propres enseignements d’expériences personnelles ou de lectures de publications académiques qui sont parfois mal assimilées.

Face à ces risques, il est important que les pouvoirs publics investissent plus massivement ce média pour promouvoir une alimentation auprès des jeunes. Dans une optique de santé publique, la plate-forme constitue, en effet, une alternative pertinente pour communiquer autrement auprès des 18-25 ans. Encore faut-il être crédible en adoptant les codes d’usage et de communication de YouTube pour séduire ce public jeune.

 

Dans ce contexte, la transposition des techniques mobilisées en marketing d’influence, en santé publique offre une piste intéressante à explorer, prenant la forme d’une collaboration entre un influenceur et des acteurs de santé, mêlant leurs expertises (numériques pour les uns, nutritionnels pour les autres).

L’efficacité de ce dispositif s’illustre dans une campagne de communication d’intérêt général, récompensée récemment par le prix Or Effie France. Elle repose sur un partenariat entre le premier YouTuber français, Squeezie, cumulant 16,5 millions d’abonnés et Santé publique France pour promouvoir les recommandations du programme manger-bouger auprès des 18-25 ans.

À l’issue de cette campagne, le compte Instagram de manger-bouger recense une augmentation de 95 % de ses abonnés, entre octobre et novembre 2020, passant de 4200 à 8200. À l’heure actuelle, le compte cumule plus de 19000 abonnés. De plus, 30 % les 18-25 ans déclarent avoir reproduit au moins une recette, suite au visionnage d’une des six vidéos issues de la collaboration entre Squeezie et mangerbouger.

Ces résultats très encourageants penchent en faveur de l’utilisation des plates-formes en ligne pour mener des campagnes de communication publique centrées sur l’éducation alimentaire des jeunes adultes, visant à préserver leur bien-être et leur santé.The Conversation

Pascale Ezan, professeur des universités - comportements de consommation - alimentation - réseaux sociaux, Université Le Havre Normandie et Maxime David, Chercheur en marketing, Université Le Havre Normandie

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

 

 

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